Dre Marie-Christine Chabot interpelle la santé publique
Dre Liliana Romero (directrice régionale de santé publique de Chaudière-Appalaches), j’ai tenté de vous rejoindre pour vous proposer un projet pilote concernant l’école primaire de l’Étincelle à Thetford Mines. Malheureusement, le personnel de votre bureau m’a fait comprendre que je perdais mon temps, que c’est compliqué de changer les choses, puis que c’est l’INSPQ et le MSSS qui décident. Je le comprends bien étant moi-même médecin, mais ma colère aujourd’hui me sert de catalyseur pour explorer les changements possibles.
Je suis médecin de famille à Thetford Mines et j’ai eu le rôle de médecin vigie covid durant plus de neuf mois à l’automne et l’hiver dernier. J’ai chapeauté la gestion des éclosions dans les RPA et les CHSLD. J’ai donc baigné dans les éclosions sept jours par semaine, matin et soir.
Je vous écris aujourd’hui surtout en tant que mère. Mon fils, qui fréquente l’école en maternelle quatre ans, a réintégré sa classe le 26 octobre après dix jours de fermeture, étant donné un cas positif dans sa classe. Malheureusement, un enfant asymptomatique et positif était présent durant 2 h ce matin-là, ce qui a entraîné une nouvelle fermeture jusqu’au 6 novembre. Eh oui, juste comme ça! Comme s’ils nous avaient annoncé que la caisse scolaire serait devancée d’une journée! Tous les parents de jeunes enfants sont découragés et à cela s’ajoutent maintenant de l’incrédulité et de la colère.
La vaccination a été très efficace, il y a très peu d’hospitalisations comme en font foi les chiffres de notre secteur même si la transmission du virus y est une des plus élevées au Québec. Malgré cela, les recommandations de la santé publique n’ont pas été modifiées depuis la rentrée. Comment se fait-il que les enfants du préscolaire et leurs parents soient encore pris en otage, alors que le primaire reste ouvert en cas d’élève positif? Pourquoi n’y a-t-il pas de service de garde pour les travailleurs essentiels dans une telle situation?
J’ai dû annuler de nombreux rendez-vous de patients au bureau afin de rester avec mon fils à la maison. J’ai fait des suivis téléphoniques avec mes patients, en m’excusant de me faire interrompre par mon garçon. Mon conjoint médecin spécialiste a aussi dû annuler des journées de travail pour être présent à son tour à la maison.
À la suite de cette nouvelle fermeture et ne pouvant encore annuler les rendez-vous de mes patients, j’ai fait garder mon fils par mes parents. Ils ont plus de 70 ans et prennent des immunosuppresseurs. Trouvez l’erreur! On fait garder nos enfants par les gens les plus à risque parce qu’il n’y a pas d’autres solutions. N’aurait-il pas été plus cohérent qu’ils soient dans leur classe avec un masque (ils le portent déjà pour prendre l’autobus) avec leur enseignante vaccinée?
Ils auraient pu manger à deux mètres en pique-nique sur leur serviette de sieste. Il y a même une porte qui les mène directement à l’extérieur. On aurait pu demander aux parents de venir les reconduire et les chercher, et les faire dépister aux moindres symptômes, service qui est dorénavant offert sur place. Voilà le projet pilote que je voulais vous proposer.
Qui va prendre les décisions pour les enfants en maternelle quatre ans, qui d’ailleurs ne pourront pas être vaccinés sous peu? Qui va réaliser le coût sociétal pour chaque fermeture de classe?
Depuis 18 mois, nous apprenons à gérer la COVID selon l’évolution et les observations dans les éclosions. Pouvons-nous considérer et peser les désavantages versus le risque? Ces petits sont peu enclins à transmettre la maladie et à développer une forme grave. J’ai reçu une maman d’enfants d’âge préscolaire qui s’est effondrée en pleurant, ne pouvant plus gérer l’anxiété des rhumes de ses enfants, des potentiels retraits de maternelle et garderie, et qui ne peut se permettre de manquer du travail faute de moyens financiers.
Malheureusement, les antidépresseurs ne sont pas efficaces pour ce genre de problème. Cette maman est un exemple d’un nombre malheureusement de plus en plus élevé de consultations depuis les derniers mois. La travailleuse sociale, qui est débordée, va essayer de la prioriser. J’espère que vous réagirez rapidement à cette impasse.
En terminant, je souhaite que les parents de jeunes enfants sentent un apaisement et un encouragement dans ce texte. J’espère que nous bénéficierons tous de changements allégeant la charge trop lourde qui pèse sur nos fragiles épaules. Nos jambes commencent à vaciller dangereusement.
Marie-Christine Chabot
Mère de trois beaux enfants, qui fait son possible pour être disponible et être un bon médecin de famille pour ses patients