Préserver le passé, penser le futur
Et si le territoire de la mine Bell devenait une zone d’innovation? C’est-à-dire un espace où entrepreneuriat, recherche, savoir, milieu de vie et culture se côtoieraient tout en respectant son patrimoine. Il s’agit d’un projet d’envergure sur lequel plusieurs intervenants de la région de Thetford travaillent depuis des mois et même des années.
Le site de la mine Bell occupe 135 hectares de terrains et de bâtiments pratiquement abandonnés, vestiges de près de 120 années d’exploitation minière du chrysotile. Son emplacement, situé à l’embouchure du centre-ville, se retrouve au cœur de Thetford Mines et coupe en quelque sorte la ville en deux.
Les préoccupations régionales par rapport au passif minier remontent à loin. Des missions économiques et touristiques à ce sujet ont d’ailleurs eu lieu au cours des années, dont la plus récente à l’automne dans la ville de Lowell au Massachussetts. Autrefois un pôle manufacturier dans le domaine du textile et un centre prospère, elle tomba dans une profonde crise à partir de 1920 alors que les industries commencèrent à se relocaliser vers le Sud, laissant des centaines de bâtiments à l’abandon. Aujourd’hui, la valorisation du patrimoine industriel qui s’est amorcée dans les années 1970 est devenue un exemple pour plusieurs, dont Thetford Mines.
«Lowell partait de loin, de beaucoup plus loin que nous et maintenant c’est un endroit très prospère et diversifié. Ça ne s’est pas fait en quelques semaines, cela s’est échelonné sur plus de 40 ans. On y retrouve des incubateurs d’entreprises, des centres de recherche en haute technologie, des logements, des commerces, des écoles et plus. Au départ, c’est la ville qui a dû donner le coup d’envoi, mais plus ça fonctionnait, plus les promoteurs privés embarquaient et à un moment donné ça s’est emballé», explique le directeur général de la Société de développement économique de la région de Thetford, Luc Rémillard, qui a fait partie de la mission ayant eu lieu à l’automne 2018.
C’est donc le grand projet que caressent plusieurs intervenants de la région, donner un second souffle aux bâtiments et aux terrains miniers de ce secteur. «Si nous ne commençons pas quelque part, dans 100 ans nous nous retrouverons encore avec le même puits au cœur de la ville et rien ne va s’être passé», affirme Luc Rémillard.
Selon lui, plusieurs autres facteurs, outre le patrimoine minier, ont contribué à faire avancer les démarches à ce sujet. «Je dirais qu’il y a le manque d’espace qui commence à être présent sur le territoire concernant les parcs industriels. Puis, tu as beau avoir du terrain, mais si tu as les bâtisses disponibles en plus, c’est encore mieux. Il y a aussi toute la question de nos centres de recherche qui sont présents sur le territoire et qui représentent des atouts dans un dessein comme celui-ci.»
Zones d’innovation
Cet enjeu de réhabilitation d’un site minier pour en faire un milieu de vie et d’innovation est en symbiose avec l’un des grands plans de développement pour la province de l’actuel premier ministre du Québec, François Legault, ce qui donne bon espoir à Luc Rémillard que le gouvernement appuie la région dans ses démarches.
Dans son livre «Cap sur un Québec gagnant : le projet Saint-Laurent», publié en 2013, M. Legault mentionnait une dizaine de villes, dont Thetford Mines, où des zones d’innovation pourraient voir le jour, soit «partout où les gens voudront se mobiliser et lancer un projet de cette nature». Celles-ci favoriseraient entre autres l’incubation et l’éclosion de nouvelles entreprises.
«Le Québec compte des milliers de terrains contaminés. Nous encouragerons le nettoyage, la décontamination et la restauration de certains de ces espaces, pour permettre aux acteurs régionaux de valoriser des emplacements abandonnés et oubliés», écrivait alors François Legault.
Y a-t-il meilleur exemple que le site de la mine Bell afin de réaliser tout cela?
«Plusieurs réunions ont déjà eu lieu à ce sujet, notamment avec Donald Martel, adjoint parlementaire du premier ministre pour les volets du projet Saint-Laurent et zones d’innovation. Les intervenants de la région ont aussi été rencontrés afin de les sensibiliser et de les inciter à réfléchir sur ce que cela pourrait devenir. Même la société Mazarin a été rencontrée et est intéressée à devenir partenaire», souligne Luc Rémillard.
La prochaine étape consiste à réaliser des études et un plan. «Évidemment, nous n’avons pas les moyens ni les ressources pour faire cela par nous-mêmes, mais le gouvernement nous a dit qu’à court terme, il devrait y avoir de l’argent disponible pour cela. Notre idée est de profiter de ces sommes pour faire les études complètes. Nous avons rencontré Isabelle Lecours et le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon. Ils sont au courant que nous sommes prêts à aller de l’avant», indique le directeur général de la SDE.
Avec ou sans zone d’innovation, les intervenants économiques et touristiques de la région continueront à travailler là-dessus. «Cela pourrait peut-être aller plus vite parce qu’il y a des millions de disponibles. Le gouvernement va nous aider à mettre en place le jardin et après ce sera à nous de semer ce que nous voulons pour que ça pousse», conclut Luc Rémillard.