Crise à l’hôpital de Thetford : quatre syndicats dénoncent une gestion défaillante
Quatre syndicats représentant les employés de l’hôpital de Thetford dénoncent le mode de gestion actuel et exigent des actions concrètes. Ils ont déposé une déclaration commune devant le bureau de la députée Isabelle Lecours, le vendredi 15 novembre au matin, pour quelle demande à son gouvernement d’intervenir.
Cette démarche fait suite aux événements survenus ces dernières semaines. Dans la nuit du 24 au 25 octobre, un agent de sécurité a été sollicité pour interroger les patients qui se présentaient à l’urgence avant de les rediriger vers le personnel clinique et médical. Puis, au début du mois d’octobre, des patients en soins intensifs ont été transférés dans d’autres secteurs de l’hôpital afin qu’une infirmière puisse prêter main-forte à ses collègues de l’urgence.
Ces deux situations ont été vivement déplorées tant par le personnel que par la classe politique. « Ça ne tourne pas rond à Thetford Mines. Cela dure depuis un certain temps. Il y a beaucoup de temps supplémentaire obligatoire et de bris de services. Les gens n’en peuvent plus et tombent en arrêt maladie parce que la pression est trop forte. L’employeur ne prend jamais les problèmes en amont. Nous avons atteint les limites de ce que nous pouvons supporter », a déclaré Carole Mercier, présidente du Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches (SPSCA), qui représente les infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes.
Elle a ajouté que la qualité des soins offerts dans la région s’est détériorée. « L’urgence est toujours sur le point de fermer. […] La population doit consulter ailleurs, alors que nous vivons déjà dans une région éloignée. Nous avons l’impression d’être ignorés par le gouvernement. »
Les syndicats exigent également que chaque instance continue de recruter activement. « Nous avons obtenu des augmentations salariales, mais ce n’est pas seulement une question d’argent. Il faut recruter dans les régions et s’assurer que le travail soit effectué de manière sécuritaire. Nous pensons que valoriser chaque profession et offrir des bourses d’études contribueront au recrutement et à la rétention dans chaque institution », a ajouté Nathalie Trottier, présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) de Chaudière-Appalaches.
Elle a rappelé que la députée de Lotbinière-Frontenac, Isabelle Lecours, a été élue pour représenter les citoyens de son comté. « Est-ce que nous l’avons vue dernièrement? La seule chose que j’ai vue, c’est une photo d’elle avec le ministre de la Santé devant un bureau. Nous n’avons jamais été approchés. Mme Lecours ne nous a jamais parlés ni interpellés. »
Pour Karine Hudon, présidente de la section locale 298 du Syndicat québécois des employées et employés de services (SQEES), le problème n’est pas seulement le manque de personnel. « C’est une mauvaise gestion. Cela fait deux ans que nous dénonçons la situation, soit depuis la fermeture du département de chirurgie. »
Selon Carole Mercier, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches aurait cessé d’embaucher du personnel. « Nos étudiantes en soins infirmiers et nos préposées aux bénéficiaires envoient leur CV et reçoivent une réponse automatique leur disant que l’établissement n’a plus besoin de personnel. En plus, 20 postes ont été abolis à Thetford Mines depuis le dernier affichage. Trouvez-vous cela normal? C’est inacceptable. »
De son côté, Manon Douville-Cadrin, présidente du Syndicat du personnel de bureau, technicien et professionnels de l’administration, estime que les besoins sont urgents. « On nous dit que les candidatures dépassent les besoins. Nous savons très bien que ce n’est pas vrai. Il n’y a pas de surplus. Nous avons besoin de gens, mais le CISSS de Chaudière-Appalaches coupe des postes. Vous voyez où cela nous mène. »
Par ailleurs, les syndicats expriment leurs inquiétudes concernant la mise en place de Santé Québec à partir du 1er décembre. « Tous les établissements seront fusionnés. Il n’y aura désormais qu’un seul et unique employeur. Cela reste un grand inconnu pour nous », a précisé Nathalie Trottier.
UNE INFIRMIÈRE SONNE L’ALARME
Une infirmière de l’urgence de l’hôpital de Thetford, qui a demandé de rester anonyme par crainte de représailles, estime que la situation est dangereuse tant pour les patients que pour le personnel. « Nous travaillons dans des conditions non sécuritaires, car le CISSS de Chaudière-Appalaches nous envoie du personnel non formé et inadapté. Nous avons de plus en plus de responsabilités et des patients nécessitant davantage de soins. On nous demande toujours plus et les situations dangereuses deviennent la norme. On nous dit que nous n’avons pas le choix, qu’il faut travailler dans ces conditions et faire plus d’heures. »
Elle rapporte que 18 infirmières de l’urgence sont actuellement en arrêt maladie. « Tout le monde est sur la corde raide. Nous n’avons plus de vie à la maison, à cause de la fatigue. Notre santé mentale est en péril. »
Francis Martineau, préposé aux bénéficiaires à l’urgence, constate aussi le manque de personnel infirmier dans son département. « Nous avons besoin d’eux sur le terrain. Les gens sont épuisés. Notre population vieillit et il faudra que le gouvernement réagisse pour trouver des solutions. »
Même son de cloche chez Nathalie Delisle, agente administrative à la préadmission du bloc opératoire. Lorsqu’il manque du personnel, la charge de travail devient de plus en plus lourde et les tensions augmentent. Ça fait 23 ans que je travaille dans le réseau. Je vais vivre ma troisième fusion. […] Je pense que les directions ont fait beaucoup, mais qu’elles sont arrivées au bout de leurs capacités. C’est dommage, car l’hôpital de Thetford avait une excellente réputation. Nous ne voulons pas le perdre. »
LE CISSS RÉAGIT
Marie-Josée De Montigny, directrice exécutive du réseau local de services à Thetford Mines, a indiqué qu’elle avait recours depuis les deux dernières semaines à du renfort provenant d’autres régions du Québec. Elle n’est pas d’accord avec les syndicats qui dénoncent une mauvaise gestion au sein de l’établissement. « Nos gestionnaires travaillent très fort pour offrir une qualité de vie à notre personnel. Nous faisons beaucoup d’efforts au niveau des ressources humaines et nous cherchons des solutions concrètes pour alléger la pression sur les employés et améliorer la fluidité des services. »
Elle a précisé que l’hôpital de Thetford Mines fonctionne avec de petites équipes, ce qui pose un défi particulier. « Il suffit qu’une seule personne soit absente pour déstabiliser l’établissement. Cela crée une situation de fragilité, mais c’est justement sur ce point que nous travaillons actuellement. »
La coordonnatrice aux ressources humaines, Nellie Roy, a souligné une note positive. « Le nombre d’inscriptions en première année de la formation en soins infirmiers au Cégep de Thetford a doublé. Habituellement, nous avons une cohorte d’environ vingt personnes, mais cette année, nous en avons 40. De plus, nous avons accueilli récemment une cinquantaine de personnes en soins infirmiers et en inhalothérapie lors de notre journée portes ouvertes. »
Enfin, Mme Roy a rappelé qu’une cohorte de 20 infirmières provenant de l’international arrivera à Thetford Mines le 24 mars prochain.