D’autres brèches à venir dans la gestion de l’offre canadienne ?
De futures politiques, des deux côtés de la frontière, pourraient malmener à nouveau le système de la gestion de l’offre. Le Sénat canadien et le prochain gouvernement républicain aux États-Unis sont ciblés par des agriculteurs voulant protéger cet outil encadrant les producteurs de lait, d’œufs et de volailles.
Appuyé par une majorité de députés fédéraux en juin 2023, le projet de loi C-282 demeurait à l’étude au Sénat. Modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, la législation a été amendée le 6 novembre dernier par un comité sénatorial. Celui-ci juge que la loi devrait s’appliquer seulement aux nouveaux traités commerciaux. Les renégociations de traités existants, comme la gestion de l’offre, seraient donc exclues.
«Ça rend complètement la loi caduque en la dénaturant. […] Les députés l’ont approuvée (C-282) après trois lectures, alors que les sénateurs ne sont pas élus par la population. Tout cela ne tient pas debout», dénonce James Allen, président de la Fédération de l’UPA de la Chaudière-Appalaches.
Le Canada a concédé 8,4 % de sa production et transformation laitière dans ses trois derniers accords de libre-échange, dont l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) venant à échéance en 2026. Dans ce contrat actuel comme celui à venir, le président américain Donald Trump se trouvera au centre des discussions.
«Chez les démocrates comme les républicains, il existera toujours un côté protectionniste sur l’agriculture. Le problème demeure l’imprévisibilité de Donald Trump. Pour l’instant, ce n’est pas réjouissant de voir où ça s’en va. […] Nous devons continuer à diversifier nos exportations et miser plus sur la consommation locale», affirme M. Allen, au moment où 60 % des exportations agricoles canadiennes se dirigent chez nos voisins américains.
APPUIS POLITIQUES EN CHAUDIÈRE-APPALACHES
Dans cet autre débat sur la gestion de l’offre, les députés conservateurs Richard Lehoux (Beauce), Dominique Vien (Bellechasse-Les Etchemins-Lévis) et Jacques Gourde (Lévis-Lotbinière) ont été interpellés par l’UPA de la Chaudière-Appalaches.
Richard Lehoux confirme avoir voté pour le projet de loi C-282. En cas d’adoption d’une version amendée par le Sénat, celui-ci retournera à la Chambre des communes. Le gouvernement fédéral, déjà aux prises avec une paralysie parlementaire, devra voir s’il accepte ou rejette cet amendement.
«Le Sénat nous a déjà fait le coup avec C-234 (Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre). Un amendement exemptait seulement la taxe carbone sur le séchage du grain. On voulait que ça s’applique aussi aux chauffages des bâtiments agricoles, avec le propane et le gaz naturel. Encore là, on dénature un projet de loi», dit M. Lehoux.
Malgré la menace d’imposition de tarifs douaniers pour les exportations rentrant aux États-Unis, le député beauceron refuse que la gestion de l’offre serve de monnaie d’échange. La National Milk Producers Federation (NMPF), représentant des milliers de producteurs laitiers américains, pencherait vers cette direction.
«On a une culture de ferme familiale au Canada. On ne doit pas mettre en péril tout ce système, avec des fermes de milliers de bêtes comme aux États-Unis», d’ajouter Richard Lehoux, lui-même un ancien producteur agricole.