Un enjeu de qualité selon le CISSS de Chaudière-Appalaches

Pour le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches, la décision de ne plus accepter les prélèvements sanguins privés à domicile est avant tout un enjeu de qualité.

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« Quand une personne fournit un échantillon, elle s’attend à recevoir un diagnostic qui soit juste. Pour qu’il soit le plus fiable, il faut que les échantillons soient prélevés dans des conditions optimales. […] Il est essentiel de comprendre que la qualité du résultat à partir duquel nos usagers sont pris en charge repose en bonne partie sur les exigences pré-analytiques. On parle ici de l’environnement autour du prélèvement, des conditions d’entreposage et du transport », a d’abord mentionné Mélanie Bernard, directrice adjointe à la direction des services multidisciplinaires pour le volet des services diagnostiques.

Elle a ajouté que la nouvelle exigence gouvernementale d’accréditation des laboratoires, apparue en 2020, s’applique à tous les hôpitaux du Québec. « Nous sommes bien fiers d’être accrédités ISO 15189 depuis le printemps dernier, parce que cela signifie que nous atteignons les plus hauts standards de qualité. »

C’est à ce moment que le CISSS a entamé une démarche visant à régulariser le dossier des préleveurs privés en tenant compte de toutes les exigences. « Nous avons fait connaître nos intentions à tous ceux qui offraient déjà un service afin qu’ils puissent manifester s’ils désiraient poursuivre. Le cas échéant, un contrat devait être établi avec nos laboratoires », a dit Mme Bernard.

Dre Danielle Marceau, directrice médicale des laboratoires et chef du département clinique de médecine de laboratoire, a précisé que les critères de conformité et de non-conformité se sont resserrés ces dernières années en raison de la nouvelle norme internationale qui est appliquée. « Non seulement cela a augmenté les risques de non-conformité, mais en plus, cela nous a permis de voir qu’il y avait certaines formes de prélèvements et façons de faire qui apportaient plus de non-conformité que d’autres. […] Nous avons demandé des exigences particulières aux préleveurs privés afin qu’ils puissent continuer leurs activités. Il faut qu’elles soient respectées. »

Selon elle, le CISSS de Chaudière-Appalaches n’empêche pas l’entreprise Sang détour de poursuivre son offre de prélèvements. « Ce que nous disons, c’est que dans notre modèle d’affaires, si elle ne respecte pas la part du contrat que nous lui demandons, c’est malheureux, mais elle ne peut pas continuer avec nous. Ça ne veut pas dire que d’autres laboratoires privés ne pourraient pas prendre ses échantillons. »

« Il faut comprendre que dans ce contexte de service à domicile offert par un préleveur privé, il est beaucoup plus complexe pour notre organisation de démontrer que l’environnement est contrôlé et mesuré, a renchéri Mme Bernard. C’est vraiment pour ces raisons qu’on leur demande de réaliser leurs opérations dans un local fixe. »

Cette dernière ne croit pas que le CISSS applique la nouvelle norme de façon trop rigide. « Les établissements font peut-être une interprétation différente. Je vous dirais plutôt que c’est au niveau de la capacité qu’ils se positionnent entourant les préleveurs privés. La ligne arbitraire que nous avons tracée est par rapport à ceux qui font du domicile, parce que c’est plus difficile à contrôler. »

Bien que les prélèvements privés à domicile ne soient plus permis en Chaudière-Appalaches, Dre Marceau suggère à l’entreprise Sang détour de se tourner vers des laboratoires privés ou encore d’interpeller le CIUSSS de la Capitale-Nationale ou celui de l’Estrie afin de voir la possibilité de signer une entente de prélèvements à domicile avec eux. Pour la propriétaire Chantal Grondin, cela ne fait aucun sens puisque les risques de contamination seront plus élevés, sans oublier les coûts importants que cela occasionnerait.

Depuis quelques années, le ministère de la Santé et des Services sociaux prône davantage les soins à domicile. Pour Dre Marceau, la position du CISSS de Chaudière-Appalaches ne va pas à l’encontre de cette vision. « Il est question de soins à domicile pour les gens en perte d’autonomie ou qui ont des conditions médicales. Le gouvernement ne parle pas nécessairement des prélèvements chez ceux qui sont capables de se déplacer. Il faut faire la différence. »

Pourtant, parmi les clients de Sang détour, plusieurs sont vulnérables en raison de leur âge ou de leur état de santé et ne peuvent pas se déplacer à l’hôpital ou en clinique. « Il y a toujours une possibilité pour eux de faire une demande de prélèvement via le guichet d’accès du Programme de soutien à domicile. Pour nous, l’enjeu n’en est pas un d’accès, mais bien de qualité. Malheureusement, nous avons vécu des situations difficiles avec d’autres préleveurs qui faisaient du domicile. La qualité pré-analytique est essentielle pour avoir de bons résultats », a conclu Mélanie Bernard.

Une situation inacceptable pour Isabelle Lecours

La députée de Lotbinière-Frontenac, Isabelle Lecours, est en total désaccord avec la décision prise par le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches de refuser les prélèvements sanguins privés à domicile. « Je trouve cela vraiment inacceptable ! ­Il y a des citoyens qui sont venus me rencontrer à ce sujet et je les comprends. Nous voulons avoir des services et eux ils sont prêts à payer pour cela, alors nous devrions être capables d’y répondre. »

Mme Lecours a affirmé que Chaudière-Appalaches est la seule région au Québec à avoir adopté une position aussi stricte. « ­Tout le monde est confronté à cette norme. C’est pour cela que je ne suis pas d’accord. Il y a des gens dans d’autres régions qui peuvent avoir recours à ce service, mais puisque nous sommes en ­Chaudière-Appalaches et que le ­CISSS en a décidé ainsi, nos citoyens ne peuvent plus en bénéficier. Ils devraient avoir accès aux mêmes services qu’ailleurs. »

La députée a mentionné que son équipe travaille sur ce dossier depuis plusieurs mois afin que le ­CISSS revienne sur sa décision. « Nous avons une rencontre mensuelle avec eux et ce sujet revient à chaque fois. Le cabinet du ministère de la ­Santé et des Services sociaux est au fait de la problématique. Il y a des pourparlers. Pour ma part, je vais continuer à faire des pressions. »