Hôpital de Thetford : le manque de personnel mène à un déplacement de patients aux soins intensifs

La situation fragile par rapport au manque de personnel à l’hôpital de Thetford entraîne des répercussions sur les services, comme ce fut le cas durant un quart de nuit la fin de semaine dernière aux soins intensifs.

Des absences de dernière minute ont en effet contraint l’établissement de santé à rediriger les quatre patients qui s’y trouvaient dans la nuit de samedi à dimanche, soit deux vers l’unité de médecine et deux vers l’urgence, afin que l’une des deux infirmières de ce secteur puisse prêter main-forte à l’urgence. Cela a aussi eu pour effet d’ajouter une charge en médecine, où le personnel infirmier requis était déjà en deçà de la norme.

« L’employeur ne travaille jamais en amont. Les problématiques que nous connaissons ne sont pas d’hier, mais à un moment donné les gens ne peuvent plus faire de temps supplémentaire et de temps supplémentaire obligatoire. Ça fait longtemps qu’on aurait pu fermer les soins intensifs, mais ce n’était pas arrivé parce que les équipes se soutiennent entre elles. Nous parlons de Thetford, mais dans tous les centres hospitaliers de la région, c’est la même chose », a dénoncé la présidente adjointe du Syndicat des professionnelles en soins de Chaudière-Appalaches, Patricia Pouliot.

Cette dernière pointe particulièrement du doigt la direction des soins infirmiers (DSI) qui rencontre des problèmes dans plusieurs endroits du Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches (CISSS-CA). « Les secteurs qui concernent la DSI ne fonctionnent pas à la grandeur du CISSS-CA. Il y a des choses qui sont amenées par différentes personnes pour améliorer le tout, mais avec la direction des soins, ça reste toujours la même chose. […] Elle travaille continuellement en dessous de l’équipe de base requise. Pendant ce temps, elle prétend que les soins à la population sont sécuritaires. »

Cela fait plus d’un an, peut-être même deux, qu’il y a des problématiques, mais que rien ne change puisqu’il n’y a pas de travail en amont. Il est primordial d’agir, dit-elle, puisque la direction ne pourra pas continuellement en demander plus aux professionnelles qui sont épuisées. « Après ça, elle se demande pourquoi les postes restent vacants. […] Il y a une lourdeur qui s’est installée. Il y en a qui pensent quitter la profession. Il y a des gens qui dénoncent sur leurs réseaux sociaux, mais pour protéger son image, l’employeur essaie de les sanctionner sous prétexte du devoir de loyauté. Ça ne fonctionne pas juste d’un bord la loyauté. La direction a le devoir de s’assurer de milieux sécuritaires autant pour les patients que pour le personnel. »

PAS DE BRIS DE SERVICE, DIT LE PDG ADJOINT

Selon le président-directeur général (PDG) adjoint du CISSS-CA, Marco Bélanger, il n’y a pas eu de bris de services aux soins intensifs, mais plutôt une réorganisation du travail et le déplacement de certains employés. Il a souligné que la situation fragile les fins de semaine n’est pas unique à Thetford puisqu’elle l’est aussi dans les autres établissements hospitaliers de Chaudière-Appalaches, particulièrement pour les quarts de travail de soir et de nuit chez les infirmières. 

Le PDG adjoint a affirmé que l’organisation est bien au fait de l’épuisement du personnel. « Les gens travaillent fort et nous en sommes très reconnaissants. Nous avons des stratégies à court, moyen et long terme », a-t-il expliqué. 

Il a rappelé qu’une cohorte d’une vingtaine d’infirmières diplômées hors Canada arriveront cet hiver dans la région de Thetford. Il a de plus mentionné la hausse des inscriptions en soins infirmiers au Cégep de Thetford, dont le nombre d’étudiants est passé de 18 l’an dernier à 41 cet automne. Il y a aussi une douzaine de candidates à l’exercice de la profession d’infirmière qui ont passé leur examen en septembre et qui sont en attente de leur permis.

Le besoin en main-d’œuvre se fait toutefois ressentir à l’heure actuelle. À ce sujet, Marco Bélanger a indiqué qu’à court terme, l’organisation travaille notamment sur la fluidité des parcours de soins afin d’éviter, par exemple, le passage vers l’urgence et l’hospitalisation lorsqu’une autre solution est possible. 

« Si nous pouvions avoir une baguette magique et ajouter 15 infirmières la semaine prochaine, nous le ferions. Nous avons une multitude d’actions en cours afin de contrer la pénurie de main-d’œuvre. Puis, on ne se le cachera pas, il y a quand même le vieillissement de la population qui amène une certaine pression », a observé M. Bélanger.

Le PDG adjoint a néanmoins assuré que le CISSS-CA travaille à maintenir l’ensemble des services et qu’il n’y avait aucun projet de fermeture.

CONCERTATION DES MÉDECINS

Une rencontre des membres locaux du Conseil de médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) s’est tenue lundi en soirée afin de s’assurer que les soins soient sécuritaires et d’élaborer des recommandations pour améliorer la situation. 

« Tout le monde s’est mis en mode assurance qualité. S’il y a des éléments en lien avec cet aspect, c’est certain que nous allons nous faire un devoir de le signifier. Nous espérons bien sûr que cette situation sera exceptionnelle. Nous comprenons qu’il y a une pénurie de ressources humaines, mais nous souhaitons un plan d’action à plus long terme qu’à la pièce », a soutenu le coprésident de l’instance locale du CMDP, Dr Martin Arata.

Pour la fin de semaine dernière, la situation permettait un déplacement vers l’urgence puisque celle-ci n’était pas débordée, a-t-il indiqué, mais si cela avait été le cas, cette solution n’aurait pas pu être envisagée. « Nous ne voulons pas voir cela se reproduire. Évidemment, nous ne voulons pas que l’urgence de Thetford ferme, ça c’est clair, mais ça ne doit pas être fait au détriment des autres services. » 

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En ce qui a trait à la sécurité des patients, du point de vue des soins médicaux, il n’y a pas de préoccupation qui a été soulevée. Dr Arata n’était toutefois pas en mesure de se prononcer au nom des autres professionnels de la santé.  

Par ailleurs, il serait malhonnête selon lui de dire qu’il n’y a rien qui est fait actuellement pour améliorer la situation, mais il aimerait voir certaines recommandations transmises par le passé être appliquées plus rapidement. De nouvelles propositions seront soumises, puis le conseil a l’intention de rencontrer les différentes parties prenantes afin de trouver des solutions. 

Du côté médical, les gens tenteront de faire leur part pour améliorer le climat de travail en mettant l’épaule à la roue et en étant à l’écoute afin de traverser cette période de crise. Les membres du CMDP souhaitent de plus transmettre leur soutien et leurs remerciements au personnel. « On parle de l’urgence, mais il y a des enjeux dans plusieurs secteurs. La gang travaille fort et une chance qu’elle est là parce qu’il y aurait peut-être eu une rupture de service au lieu d’un transfert de patients. »

Le Dr Arata a enfin rappelé la fragilité des soins d’urgence et d’autres services de santé dans la région. Il invite la population à s’assurer de les utiliser à bon escient, notamment en communiquant d’abord avec leur médecin, le 811 ou en trouvant des moyens alternatifs si cela est possible pour faire baisser la pression sur le personnel.