Les restaurateurs face à de nombreux défis

L’Association Restauration Québec (ARQ) recevait les professionnels de l’industrie de l’hôtellerie, de la restauration et des institutions le 17 septembre dernier à Scott. L’activité a rassemblé près d’une cinquantaine de fournisseurs offrant produits et services innovants, nouvelles technologies et autres, incluant plus d’une quinzaine transformateurs bioalimentaires de la région.

L’événement a également été l’occasion pour plusieurs de discuter des différents enjeux auxquels fait face l’industrie, pensons notamment au partage des pourboires, l’inflation alimentaire, les réservations non honorées et les difficultés de recrutement de la main-d’œuvre.

Vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’ARQ, Martin Vézina, avoue que l’hôtellerie et la restauration particulièrement font face à de nombreux défis. L’achalandage est en baisse et les raisons sautent aux yeux. La première est l’augmentation des coûts. « On la remarque cette petite baisse de l’achalandage. Il y a un enjeu de gestion des coûts. Tout a explosé. Les salaires, les coûts de la nourriture, les services, les loyers. Les profits moyens en restauration sont de 20 000 à 40 000 $ pour un chiffre d’affaires d’un million $. Il faut jongler avec tout ça et, en même temps, éviter d’augmenter le prix exigé à un client. »

L’autre défi bien en évidence est être celui du « No Show », alors que le gouvernement a choisi de ne pas intervenir pour permettre aux restaurateurs d’imposer des frais à celles et ceux qui n’honorent pas leurs réservations. Celui-ci n’a pas été adressé par le projet de loi 72, déposé il y a quelques jours à l’Assemblée nationale.

« C’est un problème que l’on voit beaucoup plus depuis que nous avons rouvert en mars 2022.Avant, c’était un problème essentiellement montréalais et maintenant, c’est partout en région. Il faudra responsabiliser les consommateurs, un jour. Les coûts du » No Show », sont d’environ 47 000 $ par restaurant en moyenne dans une année. C’est le salaire d’un employé », indique M. Vézina.

Selon lui, les gens doivent saisir que les réservations sont un outil de gestion pour le restaurateur. « Ça lui permet de faire ses commandes, déterminer les horaires de son personnel et autres. Si les gens ne viennent pas, l’exploitant peut avoir des pertes de nourriture, payer un employé pour rien et surtout, pas fait de ventes. La solution serait simple, soit de facturer une pénalité modeste quand les gens ne se présentent pas, mais on ne peut pas le faire. Tout ce que l’on demande, c’est que les gens appellent pour annuler. »

Un autre des enjeux auquel fait face l’industrie et inclus dans le projet de loi 72 entoure les propositions de pourboires sur les terminaux de paiement électroniques et qui devront désormais être calculées sur le montant de la facture avant taxes plutôt qu’après les taxes, comme c’est généralement le cas aujourd’hui.

Sur ce point, M. Vézina avoue être surpris de l’initiative. « On ne l’attendait pas et n’avions pas nécessairement de demandes en ce sens. Est-ce que ça nous convient ? oui, car ce n’est pas nous qui avions demandé à ce que le pourboire soit appliqué après les taxes. Pour les exploitants, ce ne sera pas un gros changement, tandis que les serveurs pourraient voir leurs revenus baisser. »

UNE MAIN-D’ŒUVRE ÉTRANGÈRE NÉCESSAIRE

Martin Vézina est bien au fait des difficultés de la restauration dans la région : problème de recrutement de personnel, instabilité de la clientèle et autres. L’industrie surveille de près les discussions entourant l’accueil de travailleurs étrangers temporaires, eux qui sont omniprésents dans l’industrie.

« Ici, la main-d’œuvre est l’enjeu numéro un. Quand on voit que l’on va resserrer les règles entourant les travailleurs étrangers temporaires, c’est inquiétant. Ça coûte cher investir dans la venue d’un travailleur. Il faut que ce soit un bon investissement. S’ils n’ont pas accès à cette main-d’œuvre étrangère, certains pourraient même fermer. On pourrait même voir une dévitalisation du secteur », estime-t-il.

C’est la difficulté de recruter des employés localement qui oblige les exploitants à devoir se tourner vers l’étranger pour combler leurs besoins, insiste Martin Vézina, qui convient qu’un travail de valorisation des métiers de l’industrie est aussi nécessaire. « On peut faire carrière en restauration ou en hôtellerie. L’enjeu est que le jeune aujourd’hui a l’embarras du choix dans des régions comme ici, ce qui n’a pas toujours été le cas. Les entreprises manufacturières embauchent l’été alors que dans le passé, c’était la restauration ou le commerce de détail. Nous devrons travailler sur nous et aurons un travail à faire pour valoriser nos métiers. »

LE TOURISME GOURMAND

Parmi la quinzaine de représentants du secteur des transformateurs de la région, le directeur général de la Table agroalimentaire de Chaudière-Appalaches, Bruno Couture, a aussi pu commenter sur les difficultés que vivent certains producteurs de la région. Si la pandémie avait amené les gens à s’intéresser à l’agrotourisme, la tendance s’est essoufflée depuis, observe-t-il.

« Tout le monde le remarque. Il y a eu un engouement pour le local pendant la pandémie, mais ça diminue encore. L’intérêt est encore là et la variété surprenante. Il faut toutefois faire connaitre ces produits-là. Sur les produits plus traditionnels comme les carottes ou autres, il faudra travailler fort pour que les gens achètent local. Il y a encore toutefois de la place pour des produits plus nichés, bien présentés, il y a encore de la place. »

M. Couture convient aussi qu’un bon nombre d’artisans du domaine agroalimentaire sont peu connus du grand public, même s’ils se trouvent à proximité de leur domicile. « Le territoire est très grand et nous avons de bonnes collaborations pour nous aider à les connaitre pour ensuite les faire connaitre. Nous allons augmenter nos efforts pour faire connaitre le tourisme gourmand d’ici », assure-t-il en conclusion.

S’il y a beaucoup d’agrotourisme dans la région, y’a-t-il trop de restaurants à certains endroits ? Martin Vézina hésite à porter un jugement. « C’est difficile à dire, car nous en avons perdu 3 500 pendant la pandémie au Québec. Le ménage avait été fait à ce moment et ce n’est jamais revenu. Nous sommes à environ 17 500 au Québec environ. Y’a-t-il davantage de chaînes que d’indépendants. Il faut voir ce qu’une région est capable d’absorber. »

S’il aimerait voir davantage d’indépendants, M. Vézina juge que c’est difficile dans le contexte actuel. « S’il y avait une dérèglementation, ça aiderait à en avoir davantage. S’il y avait des rabais-volume pour les indépendants à la SAQ, à titre d’exemple, ça pourrait l’aider à se maintenir à flot, tout comme s’il pouvait de vendre de l’importation privée au détail ou tout simplement, de permettre le partage des pourboires entre la cuisine et la salle à manger. L’idée est de dérèglementer le secteur. »