Sébastien Dulude s’est inspiré de son enfance thetfordoise pour son premier roman

Les dix années qu’il a passées dans le quartier Mitchell, de 1983 à 1993, ont énormément marqué Sébastien Dulude. Pour le jeune garçon né dans un secteur résidentiel de Laval avec des « maisons toutes pareilles », Thetford Mines représentait un autre monde avec ses forêts, ses mines et ses « dompes ». Dans son premier roman intitulé « Amiante » et publié par la maison d’édition La Peuplade, l’écrivain s’est inspiré de cette période de son enfance ainsi que des lieux qui ont représenté son terrain de jeu.

Son roman a fait très bonne impression en France, où il est en lice pour deux prix importants. Il figure en effet parmi une liste de onze livres en vue de la remise en septembre du Prix littéraire Le Monde. Il est aussi finaliste au prix Première Plume.

Cette histoire fictive tourne autour d’une amitié entre Steve Dubois, neuf ans, et le petit Poulin, dix ans. À l’été 1986, les aventures se succèdent à travers les paysages mi-forestiers mi-lunaires. Cette année amène aussi son lot de tragédies. Cinq ans plus tard, Steve se retrouve en proie à son obsession : reconstituer son paradis évanoui.

« J’avais envie d’explorer l’innocence des enfants qui, à cette époque, étaient beaucoup laissés à eux-mêmes. Cela a fait en sorte de développer mon sens de l’aventure, surtout dans le quartier Mitchell où nous étions isolés du reste de la ville. Nous partions à vélo des journées entières avec un lunch. Il y a beaucoup le pouvoir de l’imagination qui se manifestait. De façon plus négative, il y avait un certain danger sur les dompes. Puis, il y a aussi le fait qu’arrivés à un âge, les garçons ne peuvent plus se comporter de la même manière en raison des codes sociaux de la masculinité qui sont peut-être plus forts dans un milieu ouvrier. Il y avait cette fracture qui m’intéressait entre l’innocence très tendre chez les jeunes garçons et ce moment où tu ne peux plus te comporter de la même manière socialement », explique l’auteur.

Dans le processus créatif, ce fut rapidement clair qu’il placerait son récit à Thetford Mines. « Je voulais créer un contraste entre la douceur de l’amitié et ce milieu très particulier qui représente une certaine dureté, voire une certaine violence. La plupart des mines étaient encore ouvertes, mais elles allaient bientôt fermer. Je trouvais qu’il y avait une belle tension dramatique de ce côté. »

L’écriture a évidemment fait remonter plusieurs souvenirs à la surface pour Sébastien Dulude. Le roman contient d’ailleurs plusieurs descriptions physiques des lieux, que ce soit la rue Coleraine, le chemin au bout de celle-ci et les haldes de la mine British Canadian où il allait jouer avec ses amis (malgré qu’il était interdit de le faire!). « Chaque fois que j’avais un personnage ou une action à créer, c’est certain que ça allait tirer toutes sortes de souvenirs, presque même imprévus. Je me rappelais des textures et des bruits, entre autres. Il y a plusieurs choses réelles et inventées placées un peu n’importe où dans le livre. C’est la mémoire de l’enfance qui est revenue. »

Il est retourné sur les lieux l’été dernier, la deuxième fois seulement depuis 1993, afin d’effectuer du repérage pour son livre. Il avait été frappé de constater que tout ce qui semblait immense à l’enfance ne l’était plus autant à l’âge adulte. Cela lui a permis quelques détails qui lui avaient échappés, comme les couleurs, et de constater les changements avec le verdissement et les mines qui sont maintenant remplies d’eau.

Le titre choisi pour son premier roman, « Amiante », comprend plusieurs significations pour l’auteur. « L’amiante, comme matière, incarne une forme de pouvoir. Il y a d’un côté son aspect protecteur et isolant, un peu comme l’amitié de Steve avec son meilleur ami, qui le protège du monde extérieur, mais lorsque cette amitié disparaît, on bascule dans la toxicité de la matière. On connaît les débats sur l’amiante et ses dangers pour la santé. Puis, si j’amène mon personnage plus loin dans une certaine rébellion, il y a cette idée que la ville, construite en amiante, ne brûle pas. Alors, comment faire exploser symboliquement une ville ininflammable? J’ai trouvé énormément de potentiel poétique dans ce titre. De plus, il y a le mot ami dans amiante, ce qui m’a vraiment frappé. J’aime ces petits jeux de mots cachés. »

QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR

Né à Montréal en 1976, Sébastien Dulude a vécu à Thetford Mines de l’âge de 6 à 16 ans. Son père avait alors été engagé par la Société Asbestos. À cette époque, la compagnie n’exploitait plus l’amiante et existait à titre administratif. La famille est retournée à Laval à la suite du décès subit de son père en 1992. 

Son amour pour la littérature l’a amené à étudier dans ce domaine. Il est détenteur d’une maîtrise et d’un doctorat en lettres de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Éditeur pour les Éditions La Mèche, il a aussi publié trois recueils de poésie.