Une entreprise de Sherbrooke veut utiliser les résidus miniers pour séquestrer les GES

Skyrenu ­Technologies, une entreprise sherbrookoise qui se spécialise dans la captation du ­CO₂, s’implantera dans la région de Thetford au cours des prochaines années. La technologie développée par une équipe d’ingénieurs de l’Université de ­Sherbrooke utilise en effet les résidus miniers amiantés afin d’encapsuler les gaz à effet de serre (GES). L’entreprise vise notamment le foisonnant marché mondial du carbone.

Les fondateurs de ­Skyrenu, ­Martin ­Brouillette et ­Gabriel ­Vézina, ont présenté leur projet devant plusieurs membres de la communauté d’affaires, institutionnelle et des médias, le mercredi 24 juillet, à l’Espace entrepreneuriat région de ­Thetford. Fondée en 2021, l’entreprise souhaite contribuer à mettre fin à la crise climatique en captant et en séquestrant les GES. Elle a conçu un système de captage direct de l’air utilisant un adsorbant solide peu coûteux et écologique. Ce système permet de capturer le CO₂ directement de l’atmosphère.

Le projet de ­Skyrenu fait d’ailleurs partie des 20 finalistes pour le grand prix de 50 millions $ ­US de la compétition ­XPRIZE ­Carbon Removal financée par la fondation d’Elon ­Musk. Le gagnant sera connu en 2025. La première partie du concours a permis à l’entreprise de remporter un montant de 250 000 $ US afin d’aider à son développement.

La technologie peut être installée presque partout, mais le ­Québec se distingue comme un emplacement privilégié grâce à son coût énergétique très bas et à sa faible empreinte carbone. Toutefois, ce qui rend la région de Thetford une destination de choix pour Skyrenu est la présence de centaines de millions de tonnes de résidus miniers permettant la séquestration durable du ­CO₂. En effet, l’objectif n’est pas seulement de capter les ­GES, mais aussi de les empêcher de retourner dans l’atmosphère.

« Nous captons le carbone de l’air et nous pouvons mesurer finement la quantité interceptée. Nous le faisons ensuite réagir avec des résidus miniers amiantés afin de former un carbonate de magnésium que nous enfouissons dans le trou de la mine. C’est connu que le carbonate de magnésium est un composé chimique qui est stable pour des dizaines de millions d’années, donc le CO₂ ne ressortira pas », a expliqué ­Martin ­Brouillette.

Il a ajouté que le procédé comprend un cobénéfice puisqu’il détruit aussi l’amiante. M. Brouillette a de plus précisé que les résidus issus du procédé pourront toujours être revalorisés afin d’en extraire les minéraux.

INSTALLATIONS

Le projet prévoit l’installation d’une vitrine technologique possédant une capacité de captage de ­CO₂ de 1000 tonnes par année en arrière de ­Dundee technologies durables sur le site de la mine ­BC2 dans le secteur ­Black ­Lake. Il se servira aussi des infrastructures déjà existantes afin de traiter la roche. L’objectif de cette phase est de démontrer que la machine de captage ainsi que la minéralisation fonctionnent à échelle commerciale.

Les promoteurs se sont entendus avec la ­Société ­Asbestos afin d’installer un premier système à échelle commerciale possédant une capacité minimale de captage de 50 000 tonnes de ­CO₂ par année sur le site de la mine Normandie. Un total de 27 millions de tonnes de résidus miniers sont réservés à ­Skyrenu qui vise 2027‑2028 pour le début de cette phase qui devrait nécessiter des investissements de 200 millions $. L’entreprise estime la création d’emplois localement entre 5 et 20 lors des trois prochaines années.

Mentionnons par ailleurs que ­Skyrenu est actuellement en démarrage d’un projet avec le centre ­Kemitek situé à ­Thetford ­Mines dans le but de développer leur propre recette afin de créer un matériau adsorbant plus performant. L’entreprise est également en pourparlers avec les Industries Fournier pour la fabrication de leur système à plus grande échelle.

MARCHÉ ­DU ­CARBONE

L’Accord de ­Paris, le traité international sur les changements climatiques adopté en 2015, a pour objectif de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C. La réduction des émissions de ­GES ne sera toutefois pas suffisante afin d’atteindre les cibles. L’une des solutions en développement est la captation des ­GES. Différentes méthodes existent, dont plusieurs du côté technologique. Le système conçu par ­Skyrenu est l’une de ­celles-ci.

Afin d’encourager les entreprises à réduire leurs émissions, les gouvernements à travers le monde, dont celui du ­Canada, ont commencé à instaurer une taxe carbone. Le marché de la captation du ­CO₂ et de la vente de crédits carbone peut donc viser ces entreprises désirant éviter cette taxe et/ou faire leur part pour l’environnement. Selon l’Autorité des marchés financiers, un crédit carbone est un actif qui reconnaît une réduction d’émission ou le retrait d’une tonne de ­GES de l’atmosphère par l’entremise d’un projet de compensation.

Jusqu’ici, très peu de crédits de haute qualité ont été créés. Il s’agit d’une industrie naissante, mais il est évalué que dans les années à venir, ce marché pourrait atteindre des centaines voire des milliers de milliards de dollars par année. Plusieurs grandes corporations se sont déjà assurées de conclure des ententes pour acquérir des crédits carbone à être livrés plus tard.

« Nous avons démarré ce projet afin de sauver la planète. Nous ne nous doutions pas qu’il y avait un marché derrière ça. Ce n’était pas notre objectif principal. Nous sommes tombés ­là-dessus un peu par hasard », a soutenu Martin ­Brouillette.

Pour obtenir plus de détails à propos de ­Skyrenu : https://skyrenu.com/ 

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